Pixel4Fiction, une économie de moyens au service de l’art narratif

Seul dans mon monde

L’on m’a souvent posé cette question : « Pourquoi ne travailles-tu pas en équipe, avec beaucoup plus de moyens, sur des projets beaucoup plus ambitieux ? »

J’aurais aimé philosopher plusieurs chapitres sur le thème… et peut-être expliquer une certaine forme d’idéalisme. Pour faire très court : j’aime travailler seul. Cela ne veut pas dire que je suis rétif aux suggestions, critiques de progression ou autres formes d’assistance de la communauté… bien au contraire, c’est souvent une grande source de richesse. Mais j’ai développé un certain rythme de travail et une impatience « clinique » (pour ne pas dire critique) qui m’oblige à ne plus dépendre de l’avancée des autres participants sur une œuvre collective.

La bande dessinée fut l’une des premières passions, c’est bien ce cinéma du pauvre qui m’a toujours attiré. D’ailleurs on peut retrouver dans mes productions quelques clins d’oeil à cette passionnante forme d’art narratif.

La faute à Jimi Hendrix

Oui, c’est bien de la faute à Jimi Hendrix de m’avoir dérouté (et peut-être également le germe de deux palmiers nains dans chaque paume) de la bande dessinée… J’ai préféré opter pour une carrière « musicale » vers l’âge de 12 ans et abandonner mes planches au même moment : hors de question pour moi de réaliser autre chose que de l’art. Après la ferme résolution d’opter pour une objection de conscience… et la perspective de vider les poubelles des villas sur la côte d’Azur, j’ai préféré m’engager comme « Volontaire au Service Long Outre-Mer » dans les fameuses « Troupes de Marine », une unité d’élite de l’Armée française. Ce passage d’un extrême à l’autre était essentiellement et sincèrement motivé par une envie d’expérience sociale intense qui fut d’une extraordinaire richesse : « je ne regrette rien » comme pourraient dire les légionnaires…

Un certain réalisme et du plomb dans la tête m’ont néanmoins poussé à gagner ma vie à travers une forme d’art graphique conspuée jusqu’ici par mon propre égo en mal de gloriole : l’imprimerie. Mon aventure rock’n’rollesque aurait pu perdurer si je n’avais pas re-croisé l’écran bouffi d’un Macintosh possédé par Quark Xpress, FreeHand, CorelDraw et une première version nullarde de Photoshop.

Offsettiste ou vidéaste ?

Si l’on peut concevoir la Publication Assistée par Ordinateur et la création graphique de visuels comme une forme de mise en image narrative, la pratique routinière et parfois rébarbative de cet art m’a peu à peu convaincu à forcer l’aiguillage artistique. L’arrivée sur le marché des premières caméras « prosumers » a permis le passage d’un bord créatif à l’autre sans trop subir les effets du cahotage technique : la transition fut aussi douce que possible, il ne s’agissait pas d’apprendre un nouveau langage, mais d’approfondir des notions de grammaire d’un même dialecte. J’ai donc progressivement, et après qu’on m’eut forcé les deux mains, abandonné l’industrie graphique (création identité visuelle, PAO, édition, impression offset, visuels outdoor…) pour me consacrer exclusivement à la création audiovisuelle. C’était encore, d’un point de vue numérique, des terres à conquérir : tout était à faire et à construire dans ces champs encore vierges illuminés par de vastes horizons nébuleux.

L’informatisation des techniques liées à la fabrication d’images a autorisé certains « indépendants » à prendre le large, loin de contraintes humaines importantes et matérielles fort onéreuses. Ma première création audiovisuelle fut un film informatif, aujourd’hui disparu, réalisé en 2003 avec l’aide d’un professionnel de l’audiovisuel, aujourd’hui directeur d’une chaîne culturelle de France Télévision. Cette pièce d’archive possédait déjà une empreinte unique : c’était tourné et monté comme une bande dessinée, avec ses chapitres, ses intrigues, ses chutes… Comme pour les techniques photographiques, j’ai littéralement « liché » (et même parasité) le savoir de mon ami qui me mit littéralement « le pied à l’étrier » sans savoir que le cavalier autant que la monture allaient transformer la randonnée équestre en un furieux rodéo.

L’avantage d’avoir été apprenti, sous la férule d’un « maître », réside essentiellement dans une certaine forme de personnalisation du savoir cognitif et de la pratique matérielle : on possède alors un savoir-faire assez singulier, car non formaté et adapté au tempérament et à la sensibilité uniques de chaque être.

L’époque des agences

Une période très productive (environ 300 films publicitaires, documentaires, films institutionnels)… Un renouvellement créatif constant et une constante remise en question technique et narrative, un concept « low-cost » très avant-gardiste pour une époque où l’audiovisuel demeure un produit de luxe quasi inaccessible.

Des clients d’envergure internationale ou à la visibilité plus modeste, mais des clients toujours satisfaits et une pratique de traitement totalement égalitaire : pas de budget au « portefeuille » du client : seul le cahier des charges technique et créatif influait sur les dépenses.

De cette période intense et parfois laborieuse, le désir toujours aussi puissant de réaliser des œuvres encore plus personnelles grandissait. Un « incident » majeur me força à rentrer « au pays », après 30 années quasiment sans discontinuer d’une vie passée à l’étranger et très loin de l’Europe.

Pixel4Fiction : polyvalence à faire valoir dans un monde infobèse

Je ne bois pas de vin, mais cela ne m’empêche pas d’être un connaisseur assez éclairé sur le sujet : je sais qu’il est assez « facile » de fabriquer un grand cru (lorsque toutes les conditions sont réunies pour le faire !), le plus difficile est cependant le de vendre… Le retour « au bercail » d’urgence dans un pays profondément changé a été assez traumatisant.

Au delà des difficultés financières et de réadaptation, le manque évident de réseau a été incroyablement invalidant (qu’est-ce qu’il est, qu’est-ce qu’il a, qui c’est celui-là ?). L’irritation et la méfiance parfois indignée vis-à-vis d’une certaine liberté créative et en dehors des canons de la doxa du grand-tout de la communication me font passer au mieux pour un crétin, au pire pour un charlatan.

Cependant, à l’ère communicationnelle du « content is king », où la forme importe beaucoup moins que le fond, c’est justement cette construction d’art hyper créatif qui peut avoir encore une chance de modifier l’humeur d’attention d’un public infobèse et noyé intellectuellement par une durable et constante vague de lassitude compassionnelle.

Rien n’a changé dans le fond, l’envie de paraître, de nourrir son ego non repu d’une gloire éphémère a au contraire explosé : la clientèle est plus vaste encore et une certaine lassitude interne, une grosse fatigue intellectuelle m’ont forcé de sortir de l’arène. Au lieu de reconstruire une carrière, de repartir de « zéro », je me dis que le moment est venu de construire à présent des récits pour un autre collectif.

Ma passion pour le conte et l’écriture n’a pas subi d’altération, j’ai les moyens de réaliser des œuvres narratives originales à moindre frais et pour un public averti : l’art, s’il n’est pas dévolu à procurer de l’émotion chez les autres, ne sert à rien. La vocation d’un artiste, parce que ce dernier possède une certaine acuité « quasi mystique » à considérer l’univers qui l’environne, et que sa primo-imagination marginalisée n’a pas été violemment stérilisée par les réalités d’un monde aussi perfide et cruel qu’une toile d’araignée, l’artiste a le devoir, à travers justement son expression artistique, de prodiguer un peu de ce répit immatériel à tous ceux qui subissent et endurent plus fortement que les autres la triste réalité darwinienne d’un quotidien déprimant et débilitant, insipide et révoltant.

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